Wayne, pour commencer, peux-tu revenir sur tes origines ?
Mon nom est Wayne Lavallee, un nom que l’on peut prononcer de plusieurs manières en fonction de l’endroit où l'on se trouve au Canada. Ainsi, en fonction de la situation géographique du pays (côté francophone ou anglophone) les gens auront tendance à accentuer la fin de mon nom en « é » ou en « i »…
J’ai grandi dans l’ouest du Canada au sein d’une famille métis originaire de St Laurent. La communauté métis se situe principalement au Canada (on en trouve aussi aux USA dans les états du Dakota du Nord et du Montana, Nda) et se caractérise par le fait d’être issue de plusieurs cultures différentes. C’est-à-dire que nos ancêtres étaient des amérindiens, des français, des écossais… Nous sommes le fruit d’un grand mélange, un métissage dont l’abréviation est le terme « métis »…

Toutes ces origines différentes ont influencé notre façon de vivre et notre culture. C’est un mélange unique et un langage bien particulier. Mon nom a d’évidentes origines françaises et, de ce fait, certaines personnes ont du mal à comprendre que je viens d’une tribu aborigène alors que mes origines les plus ancestrales sont françaises. Pour réussir à faire la connexion entre ces deux mondes, c’est un très très long chemin…
Quelle est, à tes yeux, la plus grande différence entre les diverses communautés amérindiennes ?
La plus grande différence… il y a tant de différences (rires).
Ne serait-ce qu’au Canada où, dans certaines zones, ont peut répertorier jusqu’à 35 nations différentes. A chaque fois, on y retrouve des langages différents. La plupart des gens pensent que le Canada est un pays où règne une grande uniformité, aussi bien au niveau de la culture que de la langue. La vérité est tout autre…
Outre les langues, la culture différencie aussi les différentes tribus, tout dépend des origines des peuples. Il est vrai que nous utilisons maintenant un langage universel (Wayne doit faire référence à l’anglais, Nda), que nous apprenons et tout se passe bien. Mais à l’origine les amérindiens ne parlaient pas tous le même langage…
Quand tu as commencé la musique, y avait-il beaucoup de musiciens dans ta nation ?
Veux-tu parler de la musique traditionnelle ou de la musique contemporaine ?
Principalement de la musique contemporaine, bien sûr …
J’ai grandi dans un environnement où les gens jouaient beaucoup de Country Music, une musique très populaire au Canada. Beaucoup de mes proches jouaient de la guitare et chantaient de vieux airs de Country Music. Nous faisions des fêtes et lorsque j’étais enfant il m’arrivait d’y participer et de prendre une guitare pour jouer. Je crois que ça a été, là, ma première introduction au monde de la musique.
Peux-tu me parler, plus en détails, des musiciens de Country Music que l’on retrouve au sein de la communauté métis ?
Oui, les communautés amérindiennes à travers le Canada regorgent de personnes qui ont été bercées par la musique Country. Cela est vrai pour les personnes les plus âgées mais les jeunes s’y intéressent aussi et en jouent.
Il est vrai, cependant, que ce sont les rythmes actuels qui sont les plus populaires chez les jeunes. Le Rap et le Rock, par exemple, sont très appréciés.
La Country Music conserve cet aspect consensuel et demeure la musique la plus populaire au Canada…
Quand as-tu commencé à jouer de façon professionnelle ?
J’ai enregistré mon premier CD en 2000. J’ai joué de la musique tout au long de ma vie mais mes débuts professionnels remontent, en fait, à 1994. Par la suite j’ai enregistré un nouvel album en 2004 et je vais sortir un nouveau disque sur le label Dixiefrog en 2009.
Les traditions indiennes sont-elles souvent évoquées dans tes chansons ?
Oui, lorsque je suis arrivé dans le milieu de la musique j'ai souhaité que mes chansons deviennent le reflet de ma personnalité. J'ai essayé de créer mon propre son...
De ce fait ma musique s'inspire de rythmes traditionnels qui sont mixés avec de la musique contemporaine. Cette fusion démontre que l'on peut marier des guitares, c'est à dire du Rock'n'roll très roots, à des éléments typiquement amérindiens.
Mes chansons ressemblent à des rocks classiques avec des textes qui sont des références à la vie sociale ou politique de ma communauté au Canada. Avec ces sons je cherche à expérimenter et à développer ce que j'ai pu faire ces dernières années. Je tente vraiment de créer quelque chose qui soit différent.
De quels songwriters penses-tu être le plus proche ?
Principalement de ceux issus de la Country Music et du Rock. Je suis influencé par des artistes de Country traditionnelle comme Johnny Cash mais aussi par des groupes tels que Led Zeppelin qui sont une de mes grandes influences.
J'aime les belles mélodies. J'ai grandi dans les années 1980 et j'aime la musique de mes "années lycée". J'écoutais des groupes comme Depeche Mode ou The Cure dont j'appréciais les lignes mélodiques. J'aime les sons de ces grands groupes de Rock de cette période, qui sont devenus des classiques...
Que représente pour toi un homme tel que Bob Dylan ?
Ce gars parle de la réalité des choses...
Je le compare un peu à Bob Marley que je considère comme étant un poète. Ce sont des gens concernés, qui ont trouvé leur propre chemin artistique. C'est un peu comme Joni Mitchell qui sait s'adresser aux gens, que ses propos soient politiques ou non. C'est un tour de force de pouvoir sensibiliser des personnes riches aux problèmes des plus pauvres, tout en déclamant un message qui soit celui de la célébration de l'espoir.
Je pense que les artistes disent souvent des choses plus sérieuses que les politiciens. Ils savent écouter les gens. C'est souvent merveilleux d'entendre de tels artistes, ils nous donnent de l'inspiration.
Parmi les artistes amérindiens, quels sont ceux qui t'inspirent le plus ?
C'est une question difficile...
Lorsque j'étais enfant je n'écoutais pas forcément ce genre de musique. C'est lorsque je suis devenu un musicien professionnel que j'ai vraiment commencé à m'y intéresser.
Celle qui m'inspire le plus est, probablement, Buffy Sainte-Marie. Elle a certainement été l'une des premières artistes d'origine aborigène à parler de nos vies et à s'inspirer de notre culture dans ses textes. La première aussi à mêler des sons modernes à la musique de nos ancêtres.
Elle a sa vision des choses et sait en parler...
Dans quelles circonstances as-tu rencontré Pura Fe' pour la première fois ?
C'était après l'un de ses concerts. Nous étions déjà en contact via Internet...
Je ne la connais pas encore bien personnellement mais je suis touché par son travail. Elle sait puiser dans nos racines puis restituer un travail qui n'est pas chargé de clichés sur les aborigènes. Les gens, que ce soit en Autriche en Allemagne ou ailleurs, ne connaissent le peuple indien que par la télévision ou Hollywood. Ils n'ont connaissance que des stéréotypes.
Lorsque Pura Fe' va à leur rencontre, elle leur fait connaître le vrai visage du peuple amérindien d'aujourd'hui. C'est pour la même raison qu'il est important pour moi d'être ici afin de me présenter et de montrer qui nous sommes vraiment. Je peux me produire aux percussions ou à la guitare mais je reste toujours connecté à mon peuple et à ses racines comme sait si bien le faire Pura Fe'. C'est ce genre d'artistes qui m'inspirent et avec lesquels je veux travailler...
Tu es, pour la première fois, en France et à Paris aujourd'hui. Quel est ton premier message pour les français ?
C'est une citée vraiment formidable !
J'étudie, actuellement, les possibilités pour pouvoir revenir dans le cadre d'une tournée. Cela me permettra d'en savoir plus sur la culture européenne et, pourquoi pas, de connaître votre langue. C'est très excitant, pour moi, d'être ici et d'avoir la possibilité de faire comprendre aux gens qui je suis vraiment. On s'intéresse à moi, on me pose des questions sur mes origines, c'est formidable et ça me motive pour présenter la musique amérindienne.
J'apprécie ce cheminement...

Peux-tu me parler de ton CD qui sortira prochainement en France?
Il s'agit du disque : Wayne Lavallee "Trail of tears" qui paraîtra sur le label Dixiefrog le 23 avril 2009.
Est-ce que tu peux m'en dire plus sur les musiques qui constituent ce disque ?
C'est, à la fois, très roots et acoustique mais, en même temps, inspiré par le Rock tel que celui de Led Zeppelin. Je peux aussi y mêler des violons..
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C'est une vision très personnelle et j'essaye d'éviter les stéréotypes. Un titre comme "The Tonto project" fait, justement, référence à tous les clichés que l'on peut trouver dans les séries TV américaines. Ce disque reflète parfaitement tout ce que j'ai pu dire durant cet entretien. J'ai à coeur de mettre en avant les racines aborigènes à travers une musique qui soit accessible au plus grand nombre tout en restant fidèle à l'esprit originel.
Quels sont tes prochains projets ?
Je ne sais pas vraiment pour le moment...
J'accompagne la sortie de ce disque...
Le but est donc de promouvoir un maximum cet album en Europe et, pourquoi pas, de débuter une tournée dès que cela sera possible. C'est quelque chose de nouveau pour moi et c'est, actuellement, la première interview que je donne. Tout cela est vraiment très frais...
Je veux aussi continuer à travailler dur et écrire des chansons afin de faire un nouvel album au plus vite.
As-tu une conclusion à ajouter ?
Non, simplement que je suis heureux d'être là...
J'espère avoir, un jour, l'occasion de découvrir le reste de ce pays et de l'Europe. Merci de m'avoir accordé du temps dans ton émission...
http://www.waynelavallee.com
www.myspace.com/rocknrollndncowboy
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